Un article paru dans le « Canard Enchaîné » le 13 août 2008 évoque le patois local de Courtisols, aujourd’hui disparu, dans lequel certains ont pu voir du hun corrompu.
Pour en savoir plus sur cette légende née au XIXe siècle, on pourra se reporter à l’article publié dans le bulletin municipal « Courtisols Actualités », n° 29 du printemps 1996, p. 57-58. Cet article peut également être consulté sur ce site internet dans la rubrique « histoire », sous rubrique « pour en savoir plus ». Cette question a été développée dans un article publié par Jackie Lusse et Michel Chossenot dans les Mémoires de la Société d’Agriculture, Commerce, Sciences et Arts de la Marne, t. CIII, 1988, p. 7-40.
Les origines de Courtisols, son nom et son patois
Le texte du « Canard Enchaîné :
« Depuis le 21 juillet, c’est dans la Constitution : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Toutes les langues ? A Courtisols, en Champagne, le parler local intrigue les spécialistes. Les plus audacieux évoquent du « hun corrompu ». Il est vrai qu’Attila est passé par là.
Couapi, aroti dicarreuil ! C’est peut-être en ces termes précis que le chef des Huns donnait ses instructions aux vaillants cavaliers qui déferlèrent sur l’Europe : « Se cacher, attaquer, décamper vivement. » Tel est le parler de Courtisols, dans la marne : un patois composite et obscur, mêlant à des racines romanes et à des emprunts germaniques des curiosités langagières que la tradition locale attribue aux Huns, défaits, selon certains historiens, à La Cheppe à quelques kilomètres au nord, en 451, lors de la bataille des Champs catalauniques. De là, les vaincus se seraient repliés sur les bords de la Vesle, où leur campement devint Courtisols. Une trop belle histoire ? En 1953, la folkloriste Geneviève Dévignes défendait cette thèse dans son livre « Ici le monde changea de maître » (Editions internationales). « les blessés d’Attila fondèrent avec les femmes et les enfants abandonnés par les troupes en déroute un très long village », dont elle soulignait « l’idiome bizarre – où les philologues détectent du hun dégénéré –, la morphologie [des habitants] (yeux bridés, pommettes mongoles, charme étrange) », mais aussi différentes coutumes qui « se retrouvent encore en Hongrie, également peuplée de Huns, et tranchent nettement sur celles de la Champagne environnante ».
Attila es-tu là ? Parlé couramment jusque dans les années 1920, le courtisien a subi le sort des autres patois. « Quelques anciens se souviennent de mots qu’ils tiennent de leurs parents », explique le maire actuel, Hubert Arrouart, dont la commune se distingue aussi par son plan bizarre : c’est « le village le plus long de France », deux rues parallèles qui courent sur sept kilomètres de part et d’autre de la Vesle. Le costume local jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, n’était pas banal non plus. Les hommes portaient une longue veste et un pantalon large terminé de guêtres, les femmes des vêtements de drap rouge à manches courtes et très larges, qu’elles laçaient devant en comprimant fortement leur poitrine. Elles portaient les cheveux entortillés autour de la tête en forme de couronne.
Quant au patois, dans un livre paru en 1905, l’instituteur Emile Guénard avertit le lecteur qu’il « sera dérouté par l’accent local, par les désinences, par les diphtongues, enfin et surtout par les milliers de transformations que subissent les verbes dans leur conjugaison (…). Il regrettera de n’avoir pas emporté un phonographe pour enregistrer un langage aussi extraordinaire ».
Première spécificité : les Courtisiens ignorent à peu près les consonnes chuintantes – le j, le g doux, le ch –, qu’ils remplacent systématiquement par d ou t jusque dans les mots français ; ainsi on dit dude pour juge, frite pour friche, vate pour vache… Le son ch existe cependant en courtisien, mais semble réservé à une seconde étrangeté, fort troublante : la terminaison des mots. Une bouteille se dit ine bouteuil, ce qui n’a rien d’exotique, mais dès qu’on l’emploie dans une phrase construite, le mot se pare d’une désinence curieuse, devenant ine bouteu’ch’, ine bouteu’ich. Ca suffixe, n’en jetez plus : comment ne pas voir là des restes d’anciennes déclinaisons ? Ajoutons à cela des règles complexes d’accentuation et un grand nombre de syllabes muettes à l’infinitif : au total, « le langage prend une physionomie monotone et sourde », commente Emile Guénard dans son livre. Gutturales, diphtongues et triphtongues ne simplifient pas la tâche du courtisophone débutant, qui devra s’entraîner un peu pour articuler une phrase comme : « Ud’vaich crâleu ine hodeuch halda’ch, flicardeu ! Ce qu’on pourrait traduire librement par : « Je vois un feignant qui râle, faut le fouetter ! »
Aujourd’hui (« oune » en courtisien), la horde dort. Courtisols accueille de nombreux rurbains en quête d’une résidence tranquille, à quelques minutes de Châlons-en-Champagne. Les Huns et les autres n’aspirent plus qu’à la paix. « il est évidemment inutile de s’appesantir sur le faciès mongol des Courtisiens… qui reste à démontrer », lit-on sur le site Internet de la commune, peu encline à se réclamer du fléau de Dieu. En un millénaire et demi, l’herbe a finalement repoussé, mais les Courtisiens ne revendiquent pas spécialement leurs origines attilesques. L’Asie centrale à une heure trente de Paris ? L’attraction aurait pourtant du succès, y compris à l’étranger. « Une fois est arrivée une télévision coréenne » confie Roger Muzard. A La Cheppe, on a vu des lycéens hongrois, un universitaire du Kazakhstan. Au XIXe siècle, déjà des officiers hongrois auraient observé avec surprise des usages funéraires conformes aux leurs.
Indice supplémentaire de solidarité magyare ? En 2007, Courtisols a voté Sarkozy à 62,5% »